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Terra Incognita au large de l'Ecosse

Des géologues ont découvert une nouvelle contrée qui s’élevait au-dessus des eaux de l’Atlantique il y a quelque 56 millions d’années. Elle était apparue à la suite d’un brusque soulèvement du manteau terrestre qui pourrait expliquer le rapide changement climatique qui a eu lieu à la même époque.
 
Cet ensemble de montagnes et de vallées, découvert par des chercheurs britanniques, s’étend au large de la côte nord-ouest de l’Écosse, à environ 200km à l’ouest des îles Shetland.

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Pendant six mois, les chercheurs ont sondé le fond de la mer au sonar pour cartographier ce paysage englouti, sur près de 10 000 km² et jusqu’à une profondeur de plusieurs kilomètres. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans le journal Nature Geoscience.
 
« On pensait ne trouver là que des bêtes couches de vase et de sable, sur le fond » déclare Nicky White de l’Université de Cambridge qui a participé au projet. « Ce que nous avons trouvé a été une grosse surprise : des surfaces en trois dimensions de collines et de vallées » a-t-il expliqué à BBC-News.
 
L’auteur principal de l’article de Nature Geoscience, Ross Hartley, également de l’Université de Cambridge, a relevé les surfaces englouties et a clairement prouvé l’existence d’un réseau hydrographique, avec des rivières et des fleuves qui descendaient vers ce qui ressemble à un trait de côte.
 
On aurait dit le relevé d’un paysage terrestre, sauf qu’il était sous un millier de mètres d’eau de mer et sous deux mille autres mètres de dépôts sédimentaires.
 
L’équipe des chercheurs a pu se procurer des carotages qui avaient été réalisés dans le cadre d’une prospection commerciale pétrolière ; ils ont suffi à prouver que ce paysage avait été au-dessus de l’eau à une époque.
 
Dans les couches sédimentaires qui se sont accumulés par-dessus, les chercheurs ont trouvé les restes de micro-organismes, dont du plancton foraminifère. Mais dans les couches correspondant au paysage englouti, ils ont découvert des pollens de plantes terrestres et du lignite issu de la décomposition de la végétation.
 
« Ce paysage englouti était au-dessus des eaux à une époque située entre 55 et 56 millions d’années » explique le professeur White. « Il a dû s’élever d’un millier de mètres dans l’espace de deux millions d’années, puis il a disparu tout aussi rapidement. C’est extraordinaire. »
 
Un second article du professeur White suggère une explication à ce phénomène.
 
Les mouvements habituels des fonds des mers ne suffisent pas à expliquer cette brusque émergence suivie d’un engloutissement tout aussi subit. Ceux-ci doivent être dus à un phénomène lent mais régulier de convection du manteau rocheux depuis les grandes profondeurs – le même phénomène qui doit à l’Islande son volcanisme.
 
Il y a cinquante-six millions d’années, il a du y avoir une brusque accélération de ce mouvement, accélération qui n’a pas été accompagnée d’un échauffement suffisant pour donner lieu à une fusion de la croûte terrestre et à des phénomènes volcaniques à grande échelle du type islandais.
 
Au lieu de cela, une lame de 100km d’épaisseur de roches solides s’est échappée du dessous de la lithosphère et s’est plissée comme une vieille couverture.
 
Ce phénomène pourrait ne pas avoir été isolé. Il existe des preuves que d’autres surfaces terrestres, situées encore plus haut dans les couches terrestres, ont connu de tels mouvements, sans atteindre l’ampleur du surgissement qu’a connu l’Atlantique nord il y a quelque 56 millions d’années. Là, la contrée qui a émergé était si vaste que ses limites sont en dehors de la zone de 10 000 km² qui a été cartographiée au sonar.
 
À cette époque, le climat était beaucoup plus chaud qu’aujourd’hui, et la limite située à 55 millions d’années entre le Paléocène et l’Éocène a connu ce qu’on appelle un phénomène thermique : une hausse rapide des températures terrestres accompagnée d’une augmentation du taux de carbone de l’atmosphère.
 
Une des explications possibles de l’augmentation du taux de carbone pourrait être le brusque relargage du méthane contenu dans des hydrates de gaz habituellement situés au fond de l’océan, relargage rendu physiquement possible par la brusque chute de pression due à la remontée des fonds marins.
 
La montée rapide de la dorsale nord Atlantique aurait également pu interrompre la circulation des courants marins, qui véhiculent la tiédeur océane à la surface du globe, et cela aurait pu avoir un effet déterminant sur le climat.
 
Selon les auteurs de l’article, les fonds des océans portent des marques de plusieurs mouvements terrestres comparables, de sorte qu’ils pourraient bien se reproduire à l’avenir – sur une échelle de temps graduée en millions d’années.

Référence : Transient convective uplift of an ancient buried landscape. Nature Geoscience, 4, 562–565. Harvey, N., Barnett, E. J., Bourman, R. P., et al.

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