Mayas et Incas, l'histoire de l'Amérique précolombienne se réécrit

Les Mayas, peuple pacifiste ?

pretre mayaOn a longtemps enseigné que les Mayas étaient un peuple pacifique, consacré à  la religion et à l'agriculture. Erreur : longtemps mystérieuses, les causes de la disparition brutale de cette civilisation millénaire, au IXe siècle de notre ère, sont les guerres de destruction massive que se sont livrées les grandes cités-Etats de leur empire.

Plusieurs fouilles, au Guatemala notamment,confirment cette thèse, d'ailleurs répandue depuis une trentaines d'années dans les milieux scientifiques. Pendant longtemps, on a voulu croire que les Mayas étaient différents de leurs voisins les Aztèques (qui pratiquaient le sacrifice humain à grande échelle), sans doute un peu par réaction contre la cruauté de ces derniers.Si bien que, lorsqu'on découvrit sur un site maya de Petexbatun des traces de sacrifices de prisonniers, les archéologues ne voulait pas les interpréter comme tels.

Cette vision idéalisée d'une société  « éclairée »  entourée d'un océan de barbarie n'a pas mieux résisté au déchiffrement de l'écriture maya, l'une des plus perfectionnées et des plus complexes de l'Amérique pré-colombienne : les textes attestent de batailles entre royaumes rivaux et de sacrifices humains ; même si ces derniers étaient moins fréquents que chez les Aztèques où, lors de certaines fêtes, des milliers de personnes, généralement des prisonniers capturés dans ce but, étaient sauvagement mises à mort.

On a même découvert sur les sites de plusieurs anciennes grandes cités mayas (Dos Pilas,  Aguateca, Punta de Chimino...) des kilomètres de palissades, de tranchées et de murs de fortification, édifiés très tardivement. Ces constructions prouvent que ces villes ont été assiégées.

Dans de nombreux cas, ces dispositifs de protection ont été édifiés à la hâte avec les pierres des temples et palais, qui furent ainsi en partie démolis. A Dos Pilas, sur la place principale, les archéologues ont également découvert les restes de huttes de bois sommaires, construites vraisemblablement par des paysans venus chercher refuge dans la place forte - un peu comme si on trouvait aujourd'hui un village de squatters dand les jardins du Palais de l’Élysée -.

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Reste à établir les raisons  de ces fureurs belliqueuses. Il est possible que la surpopulation (certaines villes comptaient plus de 80 000 habitants) et les pénuries alimentaires qui en ont découlé aient avivé les tensions entre cités rivales. La forêt tropicale est en effet un milieu  fragile et peu productif dont les sols s'épuisent très vite. Ce qui oblige à défricher et à conquérir sans cesse de nouveaux territoires...

Toujours est-il que ces sociétés étaient très hiérarchisées : seuls quelques notables, dont le roi qui était aussi prêtre et chef de guerre, pratiquaient le culte, maîtrisaient l'écriture et avaient accès à la connaissance. Il a suffi que cette élite fût massacrée lors des luttes fratricides pour que la civilisation maya, vieille de 3 000 ans, s'écroulât.

Une énigme sociologique : les Incas

Au Pérou, les Espagnols s'émerveillèrent à leur arrivée, d'un réseau routier gigantesque, de centres provinciaux, de vastes greniers, et ils firent un portrait élogieux, quasiment idyllique,  de ce que certains appelaient une dictature éclairée, et d'autres, un socialisme avant la lettre.

Le socialisme inca était certainement efficace. Le grand nombre de fonctionnaires n’engendrait pourtant pas cette lenteur bureaucratique pour laquelle tant de pays socialistes sont actuellement connus. Le personnel administratif de chaque région était responsable du bien-être de ses ressortissants.

419111519Dans un pays où le travail était une vertu et la paresse un crime, chacun devait avoir sa tâche. Le citoyen ne recevait pas de salaire mais, avec sa famille, il était logé, nourri et vêtu aux frais de l’Etat. L’instruction et les soins médicaux étaient également gratuits. Travailler pour rien, recevoir pour rien les principales nécessités de la vie, le socialisme contemporain mettra sans doute longtemps pour adopter cette formule de totale gratuité.

Lorsqu’il ne travaillait pas aux champs, l’Inca devait assumer une tâche gouvernementale - construction de routes ou de ponts, courriers postaux ou présence à l’armée.

Il est vrai que l’Etat était dirigé par une hiérarchie de nobles et de fonctionnaires d’un type féodal, mais sa structure n’en était pas moins socialiste puisque la féodalité est basée sur la propriété privée et que celle-ci était inexistante chez les Incas. Aucune civilisation n’est parvenue au stade élevé des Incas sans prendre le régime de la propriété comme base des rapports économiques.

De plus, l'élite n'exerçait aucune véritable emprise sur les provinces, et le plus souvent les gouverneurs étaient contraints de s'entendre avec les chefs des provinces.

Et encore, ils s'entendaient mal avec eux. On le vit bien en 1533, par exemple, quand les Xauxas et les Wankas se rebellèrent et rallièrent les rangs espagnols pour renverser leurs suzerains de Cuzquenan.

L'écologie chez les Incas

Babylone, Carthage, la Grèce et Rome exploitèrent leur sol sans songer à l’amender. Ainsi creusèrent-ils leur propre tombe. Ne suivons-nous pas les mêmes errements à notre époque de pollution (de l’air et de l’eau) et d’exploitation intensive des ressources naturelles ?

Fait unique dans l’Histoire, un programme de conservation agraire à longue échéance fonctionnait chez les Incas. Personne n’était dans le besoin sur un sol où, à l’heure actuelle, des milliers d’êtres meurent de faim. Par leur prévoyante organisation, pré-Incas et Incas parvinrent à ce prodige que les ressources de la terre et l’approvisionnement d’eau augmentaient au lieu de diminuer !

L’empire Inca abondait en paradoxes :

- La monnaie n’existait pas mais l’or foisonnait... des monnaies à l’effigie de Crésus sont exposées dans nos musées, mais personne n’a jamais vu la moindre pièce du grand chef Atahualpa, bien que celui-ci ait possédé plus d’or que Crésus lui-même. L’empire inca pratiquant une économie socialiste sans numéraire, il est évident qu’aucune monnaie ancienne ne pouvait être découverte en Amérique du Sud.

Quipu- Un impeccable service postal fonctionnait à travers l’Amérique du Sud, mais les Incas, n’ayant pas d’écriture, n’envoyaient que des messages verbaux. Bien qu’ils n’aient ni chiffres ni livres, les statistiques qu’ils avaient dressées grâce à leur « quipu » étonnèrent les conquistadores. Sans alphabet ni écriture leur fonds littéraire était riche. Toutes ces réalisations étaient obtenues avec ce « quipu » formé de simples ficelles à nœuds !

- Leurs chaussées étaient les plus longues et les meilleures du monde, cependant ils ignoraient la roue ! La route royale de 5 230 kilomètres, reliant la Colombie au Chili, fut l’une des plus stupéfiantes créations humaines, à peine surpassée au XXe siècle. Les chaussées péruviennes furent si solidement construites que voitures et camions les utilisent encore de nos jours.

Bibliographie :

  • The Petexbatun Regional Archaeological Project, sous la direction de Arthur Demarest, Vanderbilt University Press, 2006.
  • L'Empire socialiste des Inka, Louis Baudin, Institut d'Ethnologie, 1928.
  • Histoire du Pérou , P. Anello Oliva, 1857.
  • A. Castaing : « Le communisme au Pérou », in Archives de la Société Américaine de France, 2e série, t. III, 1884, pp. 15-30.

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